«Tu n’es pas détentrice de tes propres émotions, quoi que tu dises tu es le produit de ce cliché. Et ce cliché ce qui le sous-tend, c’est l’image de la femme sauvage.»
Comme on le voit à travers cette caricature de la championne de tennis Serena Wiliams en colère après un mauvais arbitrage, en tant que femme noire, le préjugé de la femme noire sauvage, qui s’énerve pour un rien nous collent souvent à la peau. Pourquoi? Je pense que ce préjugé se résume tout simplement à la technique de l’autruche. Il est beaucoup plus simple d’associer les revendications des femmes noires à un simple état passager inexpliqué qu’est la colère que de voir la réalité en face et de se demander réellement pourquoi ces femmes seraient en colère, de se demander quelle pourrait être la raison de leurs griefs.
Car ce serait reconnaître les femmes noires comme des êtres égaux et à part entière de la société. En effet, quand on prend la peine d’écouter ce qu’une personne à a dire, c’est qu’on la reconnaît en tant qu’être humain avec des pensées, des sentiments, des doutes, des peurs… En réduisant la femme noire à un être dans une colère permanente, on la déshumanise, on la réduit à un seul sentiment. Un sentiment désagréable que personne n’aime ressentir: la colère.
Ce préjugé a longtemps gouverné la façon dont je m’adressais aux autres. J’ai eu du mal plus jeune et même encore aujourd’hui parfois à assumer complètement lorsque je ne suis pas d’accord avec quelque chose. A assumer et exercer mon droit d’être en colère, d’affirmer mes positions justement car j’ai peur que les personnes qui m’écoutent se disent « Encore une noire en colère, comme d’habitude ».
C’est d’ailleurs peut-être pour cela que j’ai eu autant de mal à écrire cet article car encore une fois j’avais cette peur de ne pas être écouté et que l’on rabaisse mes paroles à « Elle est encore en train de se plaindre ». Sauf que cette fois j’ai décidé de ne pas céder à cette peur. Je suis noire. Je suis en colère et j’ai toutes les raisons de l’être. Je prend la parole sans attendre qu’on me l’a donne. Et tant pis pour ceux que cela dérange.
En France, on parle souvent de féminisme, de lutte pour les droits des femmes. A travers ce terme on part du présupposé que la lutte pour le féminisme englobe toutes les femmes, que toutes les femmes sont sur un pied d’égalité dans leur situation d’inégalité face aux hommes. Mais en faisant cela, on oublie la réalité des femmes noires qui est de vivre avec deux épées de Damoclès au-dessus de la tête. Tout comme les autres femmes victimes de racisme d’ailleurs. Notre sexe et notre couleur de peau sont deux facteurs discriminants que l’on ne peut oublier, que l’on ne nous laisse pas oublier.
Or cette double discrimination est complètement invisible dans le débat public. Il suffit de taper « différence de salaire entre femme blanche et femme noire » sur Google pour s’en apercevoir. Tous les résultats ne mentionnent que les différences de salaire entre hommes et femmes, et pas entre femmes blanches et femmes noires.
Il n’y a je trouve qu’aux États-Unis où cette question est un peu plus abordée. A l’occasion de la journée américaine de l’égalité salariale la championne de tennis Serena Williams a rapporté que selon une étude de l’association américaine « National Women’s Law Center », l’écart de salaire est de 17% pour une femme blanche américaine et une afro-américaine à poste égal. Ce type d’étude n’existe pas en France, tout simplement car cela n’est pas considéré comme un problème. Je suis tout à fait d’accord avec le fait que l’égalité homme femme est un problème majeur. Mais l’égalité entre les femmes l’est aussi. Les personnes noires sont déjà soumises à des discriminations à l’accès à l’emploi comme le montre la dernière étude du DARES. Et en plus de cela quand on trouve un emploi on reçoit un salaire inférieur à nos collègues masculins mais aussi féminins? Pas étonnant d’être énervée non?
Je suis d’accord avec le principe de l’unité pour être plus fort, pour allez plus vite, plus loin. Le féminisme, l’égalité est un combat pour lequel on doit lutter toutes et tous ensemble afin de le mener à bien. Cependant, il ne faut pas oublier nos différences en chemin. Nous avons tous des expériences de vie différentes et reconnaître cela est à mon sens ce qui nous permettra d’arriver à gagner notre combat pour l’égalité.
Prenez soin de vous.